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Sur la route

Clochards peu célèstes

Posted 10 décembre 2021 by Richard Walter

Photographie (cà  Horace

C’était en 1975. Littéralement un autre millénaire. Ni de code-barres, ni nouvelles technologies sauf chez les militaires, ni portables, ni virus informatique ou made in China.

Des babas chevelus trainaient au long des routes, dans les communautés on dormait tous ensemble mais personne ne voulait faire la vaisselle et Giscard, élu depuis une petite année, nous la jouait Yvette Horner, et, quand il ne s’invitait pas à la table des Français moyens, invitait des éboueurs à prendre une collation matinale à l’Elysée.

On naviguait quelque part entre Peace & Love et No Future mais on ne s’en rendait pas encore bien compte.

Deux ans plus tôt, telle l’escadre française à Toulon, je m’étais sabordé devant les examinateurs afin de ne pas avoir le bac, ne pas aller en fac, ne pas devenir ce qu’on attendait de moi, à savoir un hamster qui ferait tourner la grande roue du système qui m’offrirait en échange un salaire, des crédits sur vingt ans pour acheter un pavillon en banlieue, tout ce barda dont je ne voulais en aucun cas me charger.

Le chargement que j’avais choisi, c’était un sac à dos pour fuir ce monde là, pouce en l’air au bord de la route, comme un Kerouac attardé en cet univers, à la recherche de mes limites. Harmonica en poche et nez au vent, j’avais appris à dormir dehors, à faire la manche pour manger ; j’avais aussi rencontré des tas de gens, ce qui était le but, et surtout, du haut de mes vingt ans je me sentais libre comme je ne l’avais encore jamais été. Personne pour me dire ce que je devais faire ou ne pas faire. En mode sans toit ni loi, ce qui me convenait parfaitement à l’époque.

C’est ainsi, qu’un beau matin de juin, j’émergeai des taillis où j’avais passé la nuit à l’entrée nord d’Angoulême. Moins exotique que les chemins de Katmandou, mais plus en rapport avec mes moyens, la nationale 10 contournait la ville avant de descendre vers le sud, la mer et la frontière. Tout un programme. Je m’ébrouai fièrement dans mes fringues pouilleuses, roulai mon duvet pourri, passai mon sac sur le dos et m’avançai vers mon destin lorsqu’un appel me fit tourner le dos. Un vieux clodo, sortant du fossé, s’approcha vers moi. Je ne sentais pas la rose, certes, mais lui puait la merde à vingt pas.

– « Tu fais la route, fiston, m’apostropha t’il, moi aussi. On a qu’à taper le stop ensemble, ca sera moins chiant. »

A l’époque, le mantra c’était « sois cool ». Sinon, on était « speed ». Et ce n’était pas cool du tout d’être speed. Je laissais donc le gars s’approcher de moi en essayant d’oublier la puanteur. Hélas j’étais sous le vent.

– « T’as pas un clope, fiston ? »

– « Euh, ben, j’ai que du tabac à rouler. Et il est très sec.  « (En mode ultra speedé – pas cool du tout)

– « Ah ben, j’sais pas rouler, moi… Tu peux pas m’en rouler une, fiston ? »

– « Une clope oui, une gamelle non … »  (cool man, cool…)

Le vieux éclata d’un rire graillonneux qui s’acheva en quinte de toux. Il cracha enfin un paquet de glaires qui s’écrasèrent partiellement sur mes baskets pourries. Malgré ma très forte envie d’être un mec cool, il était totalement exclu de taper le stop avec cette poubelle humaine. Il aurait fallu être aveugle pour nous prendre et les aveugles au volant comme chacun sait, c’est assez rare. Il fallait prendre une décision rapide et sauver l’honneur tout en restant en restant cool.

– « Tiens, voilà une clope. Si tu veux j’en roule une autre pour la route. Parce que, tu vois, j’veux pas te speeder, mais là j’allais m’faire un petit trip en ville alors bonne route et salut. »

Je fis mine de prendre la direction du centre ville et le gars m’emboita le pas en titubant.

– « Ah ouais, bonne idée, fiston, on va s’faire une p’tite manche et on pourra acheter du pinard ou des binouzes ».

Tout un programme. L’alcool pour moi, c’était un truc de blaireau. Un chilom d’afghan, un gros joint d’herbe ou un acide, oui, mais du pif pour être paf, non trois fois non…

J’allongeai le pas et l’autre, après quelques centaines de mètres, tituba une dernière fois et retomba dans le fossé. Cool. Enfin délivré de ce clochard pas très céleste, j’allais m’installer au début de la déviation qui, évitant la ville, descendait sur Bordeaux, les Landes, la mer et la frontière. On the road again comme disait Canned Heat. Pouce en l’air, j’attendis une bonne grosse heure, jetant de temps à autre un œil vers le fossé où gisait l’autre, espérant ne pas le voir resurgir comme un zombie dans La Nuit des Morts Vivants. Enfin une voiture s’arrêta et je m’approchais de la portière passager.

– « Vous allez où ? demanda quelqu’un à l’intérieur. »

– « Ben, Bordeaux ou plus loin. Mais Bordeaux déjà ça serait cool. »

– « Monte. Je vais à Biarritz. »

Coup de bol.  Je n’allais pas me retrouver planté à un carrefour. Crossroad c’est un bon blues, mais une vraie galère. Je balançai mon sac sur la banquette arrière, claquai la portière et, hop, c’était parti. La journée s’annonçait sous de bons auspices…

Richard Walter

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Richard Walter
Richard Walter, né en 1956, vit en France.

Après quelques années d’errance en Europe sur les traces de Kérouac, il arrive à’agence Rapho en 1981. Il y découvre la photo humaniste à travers les photos de Doisneau, Ronis, Boubat, Charbonnier, Sabine Weiss et tant d’autres, connus ou moins connus.

Il devient picture editor à Terre Sauvage et de nouveaux voyages (business trip) lui font découvrir le Japon et les USA. Un bref passage par l’agence VU puis il devient rédacteur en chef d’un magazine consacré à la voie d’eau Fluvial. où son plus grand plaisir consiste, à la fin du bouclage, à rédiger un éditorial au vitriol.
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Posted in: Sur la route | Tagged: Autostop, Valéry Giscard d'Estain, Walter Richard

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