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Jean-Pierre Laffont – Hugues Vassal
Vedettes et stars de Paris à New-York

Ils nous parlent d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. De vedettes et de stars dont les noms ont soulevé – et parfois soulèvent encore – les foules. Deux photographes qui ont grandi dans le berceau de l’agence Gamma ont revisité leurs archives. Nostalgie pour les anciens, curiosité pour les jeunes : deux leçons de photojournalisme.

Hugues Vassal

 

L’aîné se nomme Hugues Vassal, 86 ans né à Boulogne Billancourt. Il fut l’un des quatre fondateurs de la mythique agence de presse Gamma, mais c’est à l’hebdomadaire France Dimanche qu’il débuta dans les années 50 à une époque où les vedettes ne s’encombraient pas d’attachée de presse et accueillaient les jeunes photographes à leur table quand ils avaient l’air d’avoir faim.

 

Jean-Pierre Laffont

Le plus jeune Jean-Pierre Laffont, 84 ans né à Alger, débute aux Reporters Associés, une petite agence fondée par Wladimir Rychkoff, dit Lova de Vaysse, fils de prince russe émigré à Paris. Il n’y reste pas longtemps car les piges sont rarement payées, mais il y côtoie Monique Kouznetzoff et Jean Monteux qu’il retrouvera à Gamma quand Hubert Henrotte demandera à son camarade l’école photo de Vevey de rejoindre la jeune agence.

Vassal, Laffont, ces deux-là ne se rencontreront pratiquement jamais. D’une part, Jean-Pierre Laffont est parti aux USA et d’autre part une scission des associés de Gamma va entraîner la création d’une agence concurrente : Sygma.

Hugues Vassal restera à Gamma avec Raymond Depardon et Jean Monteux. Jean-Pierre Laffont suivra Hubert Henrotte et Monique Kouznetzoff dans la nouvelle agence. Tout est dit du côté des hommes mais les succès viendront des femmes !

C’est Edith Piaf qui va sauver Vassal. Elle reconnaît en lui un gars qui n’a pas grand-chose dans les poches. Elle va lui ouvrir sa porte et le présenter à ses amis artistes. Elle lui ouvre la porte du monde de la chanson et du cinéma. Ce sera la tournée des grands ducs : Arletty, Maurice Chevalier, Line Renaud, Françoise Hardy, Serge Gainsbourg, Michel Simon, Jacques Brel, Joe Dassin, Johnny et Sylvie, Georges Moustaki, Brigitte Bardot etc. On ne peut tous les citer, mais je n’oublie pas Mireille Mathieu qui donna à Vassal l’argent pour acheter ses parts de la société Gamma. Je ne peux pas non plus oublier Hugues Aufray qui a écrit la préface au livre de son petit camarade rencontré en 1941 au collège de Sorèze dans le Tarn.

La femme qui va jouer un grand rôle dans la vie de Jean-Pierre Laffont, c’est la sienne : Eliane Lucotte qui n’est pas encore épouse Laffont quand Jean-Pierre part aux Etats Unis. Eliane va l’y retrouver par un chemin très détourné. Elle participe à un raid Terre de Feu-Alaska en Renault 4L. L’épopée a du succès et se termine triomphalement à New-York. « J’ai su que c’était là que je voulais vivre » dit-elle. Hubert Henrotte lui demande de travailler pour Gamma. Elle ne connaît rien à la photo en dehors de ce que lui a dit Jean-Pierre, mais elle aime l’aventure et a du culot. Elle sera la patronne du photojournalisme « à la française » à New York.

A Paris, à Gamma, Monique Kouznetzoff a pris ses marques. Elle va bientôt épouser Hubert Henrotte. A côté d’Hugues Vassal sont arrivés d’autres photographes très intéressés par le « showbiz » qui commence à rapporter gros. Pour Vassal la concurrence au sein de l’agence est rude.

Avec la création de Sygma, Monique Kouznetzoff devient la patronne de ce qu’on appelle le showbiz » puis bientôt le « people ». Entre temps, les vedettes sont devenues des stars entourées par des attachées de presse, des producteurs avec qui il faut négocier. Monique a tout compris. Elle va donner le « final cut » aux stars sur les rendez-vous photo des photographes et va connaitre son heure de gloire à Sygma. D’autant qu’elle s’entend à merveille avec Eliane Laffont ! Les deux femmes vont faire, comme l’on dit « un carton » pendant près de trois décennies.

Jean-Pierre Laffont qui a pour devise de tout photographier, des prisons aux paysans ruinés, connaît New York comme sa poche. Il est chez lui et réceptionne les stars françaises de passage : Charles Aznavour, Maurice Chevalier, Brigitte Bardot, Françoise Hardy, Demis Roussos, Michel Simon, Robert Charlebois, etc. Et, dans un autre registre, n’oublions pas André Malraux, Éric Tabarly, Marguerite Yourcenar etc. Jean-Pierre Laffont est un gros travailleur avide de toutes et tous les rencontrer et de capter leur image. Mais il a un atout qui le servira toute sa carrière : trois paires d’yeux, les siens d’abord, mais aussi pour l’éditing ceux d’Eliane et de Monique.

 

Ces deux livres, sortis à quelques semaines d’intervalle, m’ont fasciné. Ils traitent pratiquement du même sujet mais à deux époques différentes bien que se chevauchant. Certes on retrouve chez Vassal et Laffont parfois les mêmes chanteuses, les mêmes acteurs, mais la prise de vue est totalement différente.
Le noir et blanc domine totalement la production d’Hugues Vassal qui date des années 50 et 60 pour l’essentiel. La couleur apparait chez Jean-Pierre Laffont dans les années 70. Avec Hugues Vassal on est dans l’intimité des vedettes, avec Jean-Pierre Laffont on est dans rendez-vous avec les stars. Entre Sylvie qui embrasse Johnny et Sylvie Vartan en footing à New York, il y a une décennie d’écart et deux femmes qui ont appris à « manager » l’image des stars.

Je ne peux dire qu’une seule chose : achetez les deux ! Ils sont à un prix raisonnable et ce sont deux intéressantes leçons du photojournalisme de la seconde partie du XXème siècle.

Michel Puech

  • Dans l’intimité des stars de la chanson d’Hugues Vassal
    Préface d’Hugues Aufray
    Editions de l’Archipel 2019 – 23€
  • Nos stars en Amérique, cartes postales de Jean-Pierre Laffont
    Un livre conçu par Eliane Laffont – Textes Eliane Laffont et François Julien
    Edition de la Martinière 2019 – 25,90€

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Dernière révision le 29 mars 2024 à 7;38 par la rédaction