Festival

Étranges Nuits photographiques de Pierrevert

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Welcom drink au Domaine de La Blaque © Stéphane Kossmann

A la charnière entre juillet et aout, la population de Pierrevert et des communes avoisinantes, à la frontière des Alpes et de la Provence, se gonfle chaque année, le temps d’un long week-end, de quelques centaines de photographes, artistes, documentaristes, photojournalistes et amateurs de…
Un festival très convivial.


Vous voyez où se situe Le Lubéron en Provence ?

Hans-Affiche_2015webSur les premiers contreforts du sud-est de ce massif, près de la Durance, à 5 km de Manosque, dans ce pays chanté par Giono, niche Pierrevert, une capitale vinicole du rosé, survolée par des planeurs. La région est un spot de vol à voile mondialement connu et assidûment fréquenté.

En 2008, Stéphane Kossmann, un enfant adoptif du pays, photographe de son état, auteur de très belles « Observations – Sur Les Marches À Cannes » (Ed. Le Bec en l’air 2004) est en vacances dans le coin. Après Marseille, il vit et travaille à New York. Il rend visite à son ami le photographe François-Xavier Emery. Ils lancent une idée et vont convaincre beaucoup d’autres amis de se lancer dans l’aventure d’un festival de photo. Courageux !

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Peter Knapp, Denis Brihat et Hans SIlvester © Stéphane Kossmann

Le photographe et graphiste, Peter Knapp, un ami de Stéphane Kossmann, est le premier parrain des Nuits photographiques de Pierrevert. 7 ans après, à 84 ans, il est encore là et porte toujours un regard critique sur les exposants.

J’ai eu le privilège de visiter avec lui et Stéphane Kossmann presque toutes les expositions. Le célèbre directeur artistique, 14 fois médaillé du Arts Director Club pour ses nombreuses contributions à la Presse, a le regard affuté et le parler vrai : « Cette expo n’est pas niveau ! » dit-il en sortant d’un lieu improbable. « Ce lieu n’est pas adéquat » poursuit-il alors que l’on quitte une exposition. Il s’attarde par contre avec Pierre Faure à la Chapelle Montfuron. Le samedi soir, il voudra connaître mon ami Christian Rausch dont les images sur le Tibet étaient projetées.

Après Sabine Weiss, Hans Silvester est le grand invité cette année à Pierrevert. Il n’a pas moins de trois expositions dont une à la fondation Carzou à Manosque que l’on peut voir jusqu’à fin septembre.

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Denis Brihat © C. Rausch

Autre star de cette 7ème édition, une exposition – hélas fort mal éclairée dans un lieu magnifique – de Denis Brihat qui a fait le déplacement malgré un grand âge qui l’accable. Pour ceux qui ignoraient ce maître de la photographie, je dirai que ses tirages argentiques sont exceptionnels. J’ai eu la chance d’en voir dès 1969 lorsqu’il a organisé avec Jean-Pierre Sudre, à Bonnieux où il habite maintenant, un stage resté dans les mémoires.

Bernard Plossu, absent cette année, a confié aux Nuits de Pierrevert des tirages « Fresson » de petits formats. Toujours intéressant bien que déjà vu.

Les expositions des Nuits de Pierrevert sont éclatées sur plusieurs communes dans des chapelles et même dans une ferme. C’est une des difficultés de ce festival : il impose la possession d’un véhicule.

A Pierrevert « centre-ville », André Mille, le nouveau maire UMP, a hérité d’une « salle polyvalente », dans un style néostalinien, qui comme toutes ces salles « sert à tout et à rien » comme me le confie un photographe marseillais qui les a toutes « shootées ».

A l’intérieur, une exposition de Viviane Maier – pas gâtée par le lieu -, et un travail conceptuel d’Alain Sauvan sur les arbres de l’île du Gaou dans la baie de Sanary, plus quelques stands divers dont celui d’Olympus, nouveau partenaire de la manifestation.

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© Stéphane Kossmann

Hans Silvester y tient une conférence projection fort intéressante : un best of de ses innombrables reportages commenté avec humour et modestie. Non content d’exposer à la Fondation Carzou de Manosque, Hans Silvester a une autre exposition dans la cave vinicole de Pierrevert. Le vernissage en fut épique. Tous les élus du coin et les festivaliers s’y sont pressés en dégustant le fameux rosé de Pierrevert. Visiblement dans la région on développe la photographie dans des cuves !

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Vernissage à la cave vinicole de Pierrevert © Stéphane Kossmann
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© Christian Rausch
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Céline Ravier et Marta Rossignol avec Hans Silvester © Stéphane Kossmann

A la chapelle Saint-Patrice, deux photographes Céline Ravier et Marta Rossignol étaient dans leurs petits souliers quand Peter Knapp et Hans Silvester sont arrivés, emmenés par Stéphane Kossmann. Et pour cause, elles exposaient deux reportages réalisés en quelques jours, en N&B, en Ethiopie… Face à Hans Silvester qui arpente le sud de l’Ethiopie depuis plus de quinze ans, elles ont eu beaucoup de courage.

Autre chapelle, c’est là qu’on trouve les meilleures expositions, celle de Montfuron où Pierre Faure montrait ses « Gisants ». Pierre Faure a passé neuf mois au Refuge, un centre d’hébergement de La Mie de Pain, où sont accueillis depuis 1932, les sans-abris les plus défavorisés victimes d’addictions lourdes.

Le Refuge, centre d'hébergement d'urgence parisien, accueille jusqu'à 400 personnes par jour.
© Pierre Faure
Le Refuge, centre d'hébergement d'urgence parisien, accueille jusqu'à 400 personnes par jour.
Le Refuge, centre d’hébergement d’urgence parisien, accueille jusqu’à 400 personnes par jour. © Pierre Faure
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Pierre Faure entouré de Peter Knapp et Hans Silvester © Stéphane Kosssmann

Ce travail de Pierre Faure n’a jamais été publié par la presse. « Je ne me préoccupe pas avant de les faire, de ce que deviendront mes images » précise avec panache le photographe qui préfère concourir à des prix plutôt que de tirer les sonnettes des éditeurs de presse. Exposées en juin à la Triennale d’Hambourg, ses photographies ont néanmoins été remarquées par le «Prix SFR Jeunes talents » et seront exposées à l’automne à la BNF à Paris. C’est un travail en N&B où Pierre Faure a su habiller de lumière de pauvres hères. Très fort.

Le boulodrome des projections

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Extrait de la projection sur le Tibet de © Christian Rausch

Face à la salle polyvalente, le boulodrome est le cadre des projections des Nuits de Pierrevert. C’est un endroit agréable en soirée, un grand rectangle de sable où sont disposées des chaises devant un écran gonflable de 6 mètres sur 9.

50 photographes, parmi les 300 ayant envoyé un dossier, ont vu leur travail projeté… Il y avait, selon une formule populaire, « à boire et à manger » ! Les projections ont mis en lumière la principale difficulté que rencontre ce festival. Il n’a pas de véritable ligne éditoriale.

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Projection au boulodrome © Christian Rausch
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© Gérard Bonnet

Stéphane Kossmann, le fondateur et le président de l’association qui organise cette manifestation dit vouloir ouvrir large le champ d’investigation. Certes ! Mais, qui trop embrasse, mal étreint. A vouloir afficher ensembles photo de mode, photo de pub, photo conceptuelle, photo documentaire, photojournalisme, on finit par ne monter plus rien. Ou pire, de l’excellent au milieu de rien.

Aucun comité, aucun jury, ne peut rassembler des experts de chaque discipline suffisamment au fait de ce qui se fait, pour assurer une sélection « top niveau » seule susceptible de faire croître l’audience de la manifestation.

C’est là un péché de jeunesse, et nul doute, que les prochaines années, avec l’aide de Peter Knapp, de Bernard Plossu, d’Hans Silvester le comité de sélection sera plus exigeant.

Il faut le souhaiter ardemment car les Nuits photographiques de Pierrevert ont le parfum de l’authentique. Pour accueillir 2000 personnes en un week-end, faire que 600 personnes assistent chaque soirée aux projections, il faut le bel enthousiasme d’une équipe de bénévoles !

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Les bénévoles © Stéphane Kossmann

Le plus étonnant : l’hébergement des photographes invités est le fait des habitants de Manosque, de Pierrevert et des communes voisines. Ils ont accueilli près de 100 personnes ! Un vrai lien avec la population. Et un accueil dont tous se souviendront.

La formidable équipe des Nuits de Pierrevert tient la gageure de faire depuis 7ans ce miracle avec un budget ridicule de 20 000 € dont 11 000 € de subventions publiques sans compter les aides matérielles des communes. On croit rêver.

Pour perdurer et s’améliorer, il va falloir que d’autres mécènes et sponsors misent sur Pierrevert. Les photographes peuvent également aider le festival en répondant à l’appel à candidatures qui sera lancé début 2016.

Michel Puech

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© G. Bonnet

 

[Vu de la cuisine]

© Michel Baret / Gamma-RaphoRemerciements à : Stephane Kossmann et toute l’équipe des Nuits photographiques de Pierrevert pour leur sympathique invitation, en particulier à Monique et Marie Christine pour l’hébergement; au cuisinier et personnel de la cantine de l’école de Pierrevert, à Christian Rausch et Gérard Bonnet, deux vieux complice en photojournalisme, qui ont assurés non seulement les photographies mais le transport du reporter.

 

 Dernière révision le 26 mars 2024 à 5;33 par Michel Puech