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Ma promenade photographique à Vendôme

Promenades photographiques
© Geneviève Delalot pour A l’oeil

Eté 2015, la saison festival is back ! Après Images Singulières à Sète, Photomed à Sanary, voici La Gacilly et Vendôme qui démarrent. Avant les Rencontres d’Arles et Visa pour l’image à Perpignan. C’est parti pour les Promenades photographiques à Vendôme.


J’avais deux bonnes raisons d’aller me promener une fois de plus à Vendôme (voir articles précédents) : une exposition de 80 tirages de Brassaï et une des œuvres d’Evgen Bavcar : « Le sommeil éternel d’Eros ». Quand j’appris qu’ Evgen Bavcar serait à Vendôme, je répondis positivement à l’invitation de Plan Bey, le service de presse de l’évènement.

« Pour vivre sans voir, j’ai choisi de photographier »

Promenades photographiques
© Geneviève Delalot pour A l’oeil

Que peut demander de mieux un journaliste malvoyant, qu’une promenade photographique avec un photographe aveugle et exposant ? Manque de chance, Evgen Bavcar a dû partir d’urgence pour sa Slovénie natale, appelé par une affaire familiale urgente.

J’avoue que depuis les années 1980, j’ai une curiosité pour ce photographe devenu aveugle à 11 ans et qui exposait. Avant de reconnaître mon handicap visuel, j’estimais qu’il s’agissait là d’une imposture. Ensuite, la vie m’a appris qu’il n’est jamais bon d’avoir des préjugés.

Dans les années 1980, Evgen Bavcar, chercheur en philosophie esthétique au CNRS, développe sa pratique photographique et en 1988, il est le photographe officiel du Mois de la Photo à Paris. En 1992, il publie son autobiographie, Le voyeur absolu (Ed. du Seuil)

« Nous avons affaire ici à un homme qui ne voit pas et qui pourtant nous donne à voir des images. La situation est généreusement paradoxale et d’autant plus stimulante qu’elle nous laisse entendre que les images qui comptent vraiment ne nous viennent pas du dehors, mais bien du dedans. » écrit le critique d’art Michaël Gibson.

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© Evgen Bacav

Soit. J’avoue que la signification des photographies d’Evgen Bavcar m’importe moins que les raisons qui sont les siennes de se qualifier de photographe. Raisons, qu’il expose, en partie, dans un article titré Comme Tantale in « Le handicap par ceux qui le vivent (ERES Relance 2009).

« Pour vivre sans voir, j’ai choisi de photographier. Ceux qui ne comprennent pas qu’il s’agit d’un travail conceptuel me posent sans cesse la même question : « Comment fais-tu ? » Je lis dans cette interrogation une forme de voyeurisme primaire. On ne me demande jamais pourquoi je le fais. On préfère éviter le « pourquoi ? » qui conditionne un engagement intellectuel de la part de celui qui pose la question. »

Le « pourquoi » est évidemment le plus intéressant, et j’espère poser prochainement la question à Evgen Bavcar ; mais le « comment » ne manque pas d’intérêt tant pour les collectionneurs que pour les photographes dits bien voyants.

Vintage (loi du)

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Kiki et ses amies Thérese, Caro et Lily (c) Brassai

Voir et photographier, c’est la vie de Brassaï. Exposer ? Je ne sais s’il y pensait. Les photographes de cette époque étaient plus occupés à regarder qu’à montrer. Découvrir et témoigner de la vie, occupait leur temps. En tout cas, ce qui est certain, c’est que j’ai « mal vu » les tirages vintage de Brassaï.

Ce disant, je ne mets en cause ni l’accrochage, ni l’éclairage. Non, j’ai un autre problème avec ce type d’exposition. Je pense ici à l’exposition de Germaine Krull au Jeu de Paume qui m’a fait le même effet. Ce sont des expositions qui ont les défauts de leurs qualités.

Erudites elles sont. On vous y montre des documents originaux. Des tirages de presse, ou des tirages d’essais, qui en leur temps auraient – peut-être – fini à la poubelle. Je plaisante à peine. Chacun sait que dans un atelier, il peut traîner des pépites comme des œuvres mineures, du moins en ce qui concerne la qualité des épreuves.

Bref, des documents où le poids des supports semble plus compter que le choc des informations visuelles que le photographe a voulu saisir. En conclusion, pour Brassaï comme pour Krull, je préfère – faute de tirages contemporains – consulter livres et catalogues. Mais les visiteurs bien voyants auront sûrement une autre approche de cette, néanmoins, intéressante exposition.

« C’est golden ! »

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Extrait de la série L’état des lieux © Charles Frederik Ouellet
Promenades photographiques
Charles Frederick Ouellet

Au milieu de la vingtaine d’expositions que l’on peut voir tout l’été à Vendôme en partant en vacances, il me restait à faire une rencontre. « C’est golden ! » s’exclama en pur chiac le jeune québécois Charles-Frédérick Ouellet.

Les images qu’il présente dans cette charmante maisonnette qui surplombe la ville depuis le Château, ont été réalisées en Loir-et-Cher pendant sa résidence de création au mois d’août dernier dans le cadre du projet « Un pont sur l’Atlantique » entre les Promenades photographiques et les Rencontres de photographie en Gaspésie (Québec).

« L’histoire a commencé à la lecture d’un fait divers. J’ai essayé de remonter à la source de celui-ci, en accumulant des images qui pourraient m’aider à résoudre ce qui s’était peut-être passé cette nuit-là » écrit-il dans le descriptif de son exposition.

Entre réalité et onirisme, Charles-Frédérick Ouellet a cherché le détail, les traces. Entre onirisme et réalisme, ses photographies transpirent une ambiance très « Série noire ». Ce qui m’a laissé perplexe, le jeune québécois m’ayant expliqué avant la visite qu’il y avait vraiment beaucoup trop de lumière dans le Loir-et-Cher… Alors que la majorité de ses images sont prises de nuit ou en intérieur !

« Mais alors pourquoi nous battons-nous ? »

Promenades photographiques
Exposition du Figaro Magazine © Geneviève Delalot pour A l’oeil
Promenades photographiques
Odile Andrieu

« À Vendôme, les Promenades se déclinent au pluriel. Chacun déambule librement et gratuitement dans la ville, d’un espace d’exposition à un autre, faisant halte à la manière du flâneur de Baudelaire, songeant à cette « très humble servante des arts » qui a définitivement su s’imposer comme un art à part entière, dans la ville la plus photographique de la région Centre, qui nous invite le temps d’une saison à des promenades riches de rencontres… » Fleur Pellerin, Ministre de la culture et de la communication, qui écrit ces lignes dans le catalogue, est plus attachée à la richesse des rencontres, mais pas des budgets.

En 2005, à la première édition des Promenades photographiques, 9452 personnes avaient visité les expositions à Vendôme. L’an passé, ils étaient près de 100 000. Une « bonne » raison pour les partenaires de cette manifestation d’amputer de 30% le budget !

Odile Andrieu, la directrice artistique des Promenades photographiques est claire : « Le budget est ridicule : 142 000€. Un budget qui comprend l’équivalent de 4 emplois à temps plein. Cette année on a réussi à produire les expositions car les photographes nous ont soutenus en nous prêtant des expositions. Philippe Gassmann des laboratoires Picto a travaillé à perte pour qu’on puisse montrer toutes ces merveilles.»

La baisse de 30% du budget a été imposée tant par les collectivités locales que par les partenaires privés. Austérité oblige ! « On aimerait que nos partenaires comprennent que l’impact que nous avons dans la région Centre est important. On ne peut pas continuer comme ça… Les années à venir nous inquiètent énormément. Pourtant les Promenades sont classées juste après Arles et Perpignan par le Ministère de la Culture. Nous sommes dans le peloton de tête des manifestations photographiques. »

Dans l’éditorial du catalogue, Odile Andrieu n’y va pas par quatre chemins. Elle écrit : « Quand on proposa à Winston Churchill de couper dans le budget culture pour aider l’effort de guerre, il répondit tout simplement : « Mais alors pourquoi nous battons-nous ? » Aujourd’hui cette citation est relayée sur tous les réseaux sociaux, dans les lieux culturels, les écoles d’art, les festivals, disons que la culture rend libre, qu’elle est vitale. »

 

Promenades photographiques

Texte: Michel Puech, reportage photo Geneviève Delalot

 

 

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Dernière révision le 26 mars 2024 à 5;32 par Michel Puech