Mis à jour le 27 septembre 2021 par Rédaction
Photographie © James Koegh
James Keogh fait partie de cette génération de photojournalistes qui a émergé durant les révolutions arabes. Beaucoup se retrouvent aujourd’hui dans le Donbass, en Ukraine. Parti en freelance avec Olivier Tallès de La Croix, il a photographié « cette guerre en Europe » du côté gouvernemental et du côté des « pro-russes ».
James Keogh, de son nom complet James de Caupenne-Keogh est né d’une mère irlandaise et d’un père français. Après un diplôme de mathématiques appliquées, une licence d’économie et de gestion, il décroche en 2010, un master de journaliste reporter d’images à l’ESJ-Paris. Dès 2006, il se lance dans le journalisme en zone de conflit au Liban, « une expérience formidable ».

Photo © Geneviève Delalot
Arrivent les « Printemps arabes », il couvre successivement les évènements de Tunisie, d’Égypte et de Libye. Vous pourrez le voir le 23 mars prochain sur France 4 dans le remarquable documentaire de Jérôme Clément-Wilz Un baptême du feu. En Libye, son travail sur la bataille de Misrata (2011) a été remarqué par le jury du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre et de celui du Grand Scoop de Lille.
C’est un garçon sympathique, posé, tout le contraire d’un baroudeur tout fou. Il a rejoint l’agence Hans Lucas mais travaille essentiellement en freelance. Après un premier séjour en Ukraine en mai 2014 au moment du référendum sur l’autonomie du Donbass, il est reparti avec son ami, Olivier Tallès, journaliste au service « Monde » de La Croix.
« Nous nous connaissons depuis longtemps » raconte Olivier Tallès « Nous avons déjà fait de nombreux reportages ensemble en Asie, en Afrique et deux fois en Ukraine. Nous sommes amis et nous nous entendons bien. C’est important en zone de guerre. Et, puis, j’ai une totale confiance en ses photographies. Il est très exigeant, c’est un pur photographe, il ne veut pas mettre les gens en scène même pour un portrait. »
« On a un conflit en Europe ! On s’était dit plus jamais ça… Et voilà ! »



Pourquoi repartir en Ukraine ?
L’envie de vouloir continuer à couvrir la crise, le conflit ukrainien » dit James Koegh. « J’ai envie de tenter de faire comprendre aux européens les enjeux de ce conflit. »
« Avec Olivier Tallès, nous avons fait plusieurs sujets très intéressants dans la zone contrôlée par l’armée ukrainienne, dans une ville à 30 km de la frontière russe… Schastya, une ville fantôme ! »
« Accéder à cette zone est assez facile après avoir obtenu une accréditation du gouvernement. Là, où cela se complique, c’est pour aller sur la ligne de front. Il faut se faire accepter. En général nous étions bien accueillis par les militaires, même quand les soldats ne voulaient pas être pris en photo. »
Les conditions de vie ?
« Elles sont dures, mais cette année l’hiver était doux, enfin doux pour les ukrainiens. Il faisait -14°C. Côté nourriture, il ne reste pas grand-chose dans les supermarchés, mais il n’y a plus grand monde non plus… Les hôpitaux ont eu leur part d’obus, mais les médecins sont en place. J’ai vu le directeur d’un hôpital nous recevoir en costume cravate dans son bureau bien rangé. C’était étonnant. Sur la ligne de front, les soldats vivent dans des tranchées ou dans des cabanes qu’ils ont bricolées. C’est très dur ».
« Quand nous sommes arrivés, les bombardements duraient jour et nuit. Un matin, on croyait que ça se calmait… Et à ce moment-là, un obus est tombé sur la maison d’où nous sortions, et où nous avions dormi ». James Koegh dit cela simplement, tranquillement. « James est très courageux, plus que moi, il reste froid » dit Olivier Tallès.
« Dans cette première partie de mon reportage, Olivier Tallès a écrit sept articles bien illustrés et je suis content des parutions de La Croix qui m’a fait confiance. Ensuite Olivier Tallès est rentré et je suis resté. J’ai rencontré d’autres amis journalistes qui travaillent dans la zone de Donetsk. »
« Passer de la zone ukrainienne à la zone contrôlée par les séparatistes est simple, il faut demander une autorisation pour franchir le dernier check point. Ensuite, côté séparatiste, il faut se faire enregistrer par l’administration de Donetsk ».
La misère des civils
« A Donetsk, j’ai photographié des réfugiés. Il y a eu beaucoup de bombardements quand j’y étais. L’immeuble vibrait, les gens sortaient et j’ai vu une petite fille qui tenait une poupée dans ses bras. La petite fille et la poupée avaient le même regard vide ! »
A l’évocation de la fillette, James Koegh reste songeur quelques instants, puis il ajoute « Dans la zone séparatiste, il y a de tout. Il y a des pro-guerre, d’autres qui veulent la paix. Les gens sont épuisés de vivre dans des caves ou dans des abris antiatomiques datant de l’Urss. Ils disent : on ne vit pas, on survit, on m’a volé ma vie ! »
« En Ukraine, j’ai pensé à Alep. Il y a plusieurs facteurs communs : les bombardements, la vie dans les caves, la vie dans les camps, les déplacements de populations… Bref tout ce qu’apporte ce type de guerre ».
Michel Puech
Lien
James Koegh chez Hans Lucas : http://hanslucas.com/jkeogh/photo
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