Exposition

Khaldei au Botanique à Bruxelles

Michel Puech publie dans La lettre de la photographie, lettre quotidienne en français et en anglais.
www.lalettredelaphotographie.com

Coup de coeur: Khaldei au Botanique à Bruxelles par Michel Puech in La lettre de la photographie publié le17 décembre 2010

L’exposition « Khaldei, un photographe sous Staline » présente, au « Botanique » de Bruxelles jusqu’à la fin de l’année, une partie de la collection personnelle de Mark Grosset (1957-2006), fils du fondateur de l’agence Rapho et ancien directeur.

« Evgueni (Yevgeny) Khaldei (1917-1997) s’est imposé à moi » écrivait Mark Grosset dans la monographie qu’il lui a consacrée en 2004, « car mis à part sa photographie emblématique des soldats russes sur les toits du Reichstag à Berlin le 2 mai 1945, le reste de son œuvre n’est connu que de quelques initiés. »

L’exposition est constituée d’une centaine d’épreuves « vintage », dont deux versions du fameux drapeau rouge, mais la majorité des photographies évoquent les différents aspects de la vie des soviétiques durant la dictature du « camarade Staline ».

On doit la réalisation de cette exposition à la générosité de Claudine, veuve de Mark Grosset, et à la ténacité de Michel Bouvier, libraire à Paris, ami du couple devenu gérant de la société « Mark Grosset Photographies » constituée en 2002 pour promouvoir les photographes russes.

En novembre 2008, grâce à la fondation Calypsor dirigée par Bernard Skalli, cette exposition fut inaugurée à la BNP-Paribas du Luxembourg. On était en pleine tempête financière, et l’accrochage du portrait de Staline dans ce temple de la finance ne manquait pas de sel, et les banquiers firent bonnes mines.

Obstinés, Bernard Skalli et Michel Bouvier ont convaincu Annie Valentini, directrice du Botanique et François Delvoye, responsable des expositions, de montrer aux belges ces images.

C’est en 1988, grâce à la galeriste Marie-Françoise George que Mark Grosset se rend pour la première fois dans ce qui est encore l’URSS. Ils y rencontrent de nombreux photographes et tombent littéralement amoureux de leurs travaux encore très peu et surtout mal connus.

En 1995, il assiste à la rencontre historique, organisée par son ami Jean-François Leroy, entre Evgueni Khaldei et Joe Rosenthal au festival de photojournalisme Visa pour l’image à Perpignan. Le cliché historique de Joe Rosenthal représentant les soldats américains plantant la bannière étoilée sur l’île d’Iwo Jiwa le 26 février 1945 est à l’origine de celle qui immortalise la reddition des nazis le 2 mai 1945.

De 1988 à sa mort, Mark Grosset va faire un nombre incalculable de voyages en Russie, habitera pendant des semaines un petit appartement de banlieue, passera de nombreuses journées avec ses amis de l’Union des photographes russes. Chez Khaldei, ce n’est pas seulement le photographe officiel qui le passionne, mais surtout le photographe banni durant de nombreuses années, puisque juif.

Après la mort d’Evgueni Khaldei, il propose à Anna et Leonid, ses deux enfants, de lui confier l’intégralité des négatifs de leur père. Commence alors un travail titanesque de re-édition de toute l’oeuvre du photographe. « Après dix-huit mois et plus de quinze séjours en Russie, installé dans les bureaux de l’Union des photographes j’avais enfin fini de voir tous les négatifs» écrit-il dans la préface de « Khaldei un photoreporter en Union soviétique » monographie richement illustrée et publiée – hélas uniquement en français – aux Editions du Chêne.

Il entreprend également de « rendre à César, ce qui appartient à César », c’est-à-dire de faire reconnaître par la justice, la qualité d’auteur de Khaldei et d’autres photographes de la période soviétique. Diffusée par la propagande stalinienne, l’œuvre de Khaldei est largement exploitée à travers le monde sans que les héritiers du photographe ne reçoivent de droits d’auteur malgré les accords internationaux signés par la Fédération de Russie. « En mémoire de Mark Grosset, nous continuons à nous battre sur ce terrain » précise Michel Bouvier.

Depuis 1980, année de notre première collaboration à l’agence de La Compagnie des Reporters, Mark Grosset et moi avons eu une relation amicale. Une de ces amitiés affectueuses, basée sur l’échange professionnel. Je peux donc témoigner de mon incrédulité au début de sa quête en URSS, de mon inquiétude parfois, mais surtout de l’énorme travail qu’il a accompli avec une obstination quasi caractérielle, jusqu’à son dernier souffle, peu avant la parution de son second livre « Les années Staline » en collaboration avec l’historien Nicolas Werth.

A chaque retour de Moscou, il était heureux comme un gosse de montrer les cadeaux et les emplettes qu’il avait faits. « Tu vois cette photo ? On dirait New York ! Eh non c’est Moscou ! ». Et une photographie de joie de vivre à la main : « Tu t’imagines qu’ils n’avaient rien à manger à l’époque ». Son combat était de sortir de l’ombre des chefs-d’œuvre comme ces photographies d’Evgueni Khaldei que l’on peut voir dans son ouvrage ou dans sa collection personnelle exposée en ce moment à Bruxelles.

Michel Puech

Exposition au Botanique Bruxelles
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