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Presse et Corse: « la plume et la plaie »

Conca (Corse), le 26/08/09 la voiture plastiquée d'Enrico Porsia © EP
Conca (Corse), le 26/08/09 la voiture plastiquée d’Enrico Porsia © EP

 

 

 

 

 

La cour d’appel du tribunal de Bastia a condamné, hier mercredi 24 septembre 2009, Joseph-Guy Poletti, directeur du mensuel Corsica. Il avait qualifié de « délation » une enquête sur le futur plan d’occupation des sols corses du journaliste Enrico Porsia, fondateur du site Amnistia.net.

Ce 23 septembre 2009, un an après les faits, sur les marches du Palais de Bastia, Enrico Porsia déclare à France 3 « Je trouve que c’est un bon jugement pour notre profession car je trouve intolérable qu’un patron de presse ait pu me qualifier de délateur… Un journaliste qui dénonce un scandale, ne fait que son travail. »

Joseph-Guy Poletti qui a utilisé le mot de « délation » a été condamné à verser 1000 euros de dommages au journaliste, 500 euros de dommages à la société de presse Amnistia.net, les frais de justice étant également à la charge du directeur de Corsica. Son avocat a assuré que son client allait se pourvoir en cassation.

Le 17 septembre 2008, j’ai relaté les faits dans un billet intitulé « Du journalisme et de la délation » m’étonnant qu’un « Club de la Presse » puisse laisser un éditorialiste, fut-il directeur de presse régionale, parler de « délation » à propos de l’enquête d’un confrère… Mais, la justice a tranché et donné raison à l’enquêteur contre le commentateur partisan.

Enrico Porsia, n’en a pourtant pas fini avec les conséquences de son enquête sur le plan d’occupation des sols corses, le fameux PADDUC.

Qud il a commencé de publier son enquête, en septembre dernier, il a amorcé involontairement une bombe à multiples retardements. La mise en cause de trois des principaux responsables de l’île : M. Camille de Rocca Serra, président de l’assemblée de Corse, M. Ange Santini, président de l’Exécutif et M. Jérôme Polverini, président de l’Office de l’Environnement, ne pouvait rester sans conséquence.

 

Il y a « conséquence » et « conséquence »…

Il y a, certes, les procès. Celui d’hier, et ceux à venir engagés par les personnalités mis en cause. Il y a, également, cette invraisemblable séance de l’Assemblée de Corse (voir billet) consacrée entièrement aux faits et gestes d’Enrico Porsia. Comme si cette assemblée n’avait que ce problème à traiter !

Mais, finalement, on en arrive au report du vote de ce plan d’occupation des sols ! Un plan qui doit être modifié et, enfin, un plan qui donne lieu à un débat public où tous s’expriment. Un petit plus de démocratie à mettre au crédit du reporter.

Une belle victoire journalistique passée sous silence par la presse nationale rendue frileuse dès qu’il s’agit de Corse. Toutes les rédactions ont encore en tête la fusillade de la maison de Guy Benhamou, alors journaliste à Libération.

Et comment blâmer mes confrères ? Moi même qui, jadis, ai fui la Corse, comprenant que ce paradis n’accordait guère que des visas limités aux curieux.

Enrico Porsia a gagné hier un procès, mais le mois dernier, juste après m’avoir envoyé une série de cartes postales publiées sur ce blog, il a aussi « gagné » un « plastiquage » très professionnel de sa voiture. En pleine nuit, dans un village corse, il n’y a pas eu de victime. Du travail bien fait. Ce que les gendarmes appellent « un avertissement ».

Attaque verbale, appareil photo fracassé, bousculade, procès, attentat matériel… Enrico Porsia en est là, parce que simplement, il veut faire son métier honnêtement, c’est-à-dire en vérifiant et re-vérifiant ses informations. Il fait sienne la citation d’Albert Londres « porter la plume dans la plaie ». Fondateur il y a plus de dix ans du site Amnistia.net, Enrico Porsia collabore aujourd’hui à Backchich.info dont la rédaction est solidaire de son reporter. « Reporters sans frontières » lui a également apporté son soutien en condamnant l’attentat.

Mais cela ne suffit pas. Il faut que d’autres journalistes, d’autres rédactions « suivent » et « couvrent » notre confrère en apportant leurs soutiens, et/ou en enquêtant sur les faits qu’il a publiés.

Comme il n’est pas acceptable qu’un patron de presse diffame un journaliste, il n’est pas tolérable qu’il soit la cible d’attentat.. La lutte contre les violences et les délinquances serait-elle réservée au « 9-3 » ?

 

Michel Puech

Issy-les-Moulineaux, 24 septembre 2009

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