Festival

Visa pour pleurer, visa pour rire

 

« On me reproche souvent de favoriser mes amis, mais je mets en valeur les meilleurs reportages, et le plus souvent, je deviens ami avec les photographes. Il faut bien que je ne me sois pas fait que des ennemis en vingt ans ! » explique Jean-François Leroy.

C’était une curieuse soirée, bizarrement, Jean-François Leroy avait choisi l’avant-dernière projection et non, celle de ce soir, la dernière, pour projeter le florilège des productions de 20 ans. (ndlr: la soirée du samedi a été annulée pour cause de pluie, il a le nez fin JLF)

On a donc vu ou revu des reportages de Marie Dorigny, Dario Mitidieri, Jillian Edelstein, Zed Nelson, Hans Silvester, Patrick Robert, Philip Blenkinsop, Hocine, Tom Stoddart, Stanley Greene, Laurent Van der Stockt, Jocelyn Bain Hogg, Stefan Vanfleteren, Marc Asnin, Scott Thode, Paolo Pellegrin et Paul Fusco avec en particulier son insoutenable reportage sur les enfants de Tchernobyl. Un reportage qu’il est impossible de regarder sans pleurer de l’imbécilité humaine.

Le pire, mais hélas pas le seul. Comme l’a expliqué Jean-François Leroy, « ce n’est pas vrai qu’on ne voit ici que des images de guerre, mais ce n’est pas faux non plus. » Visa fait chaque année un constat de l’état du monde, et ce n’est pas la faute des photojournalistes si cet état est trop souvent lamentable.

Le peuple de l’Omo d’Hans Silvester de l’agence Rapho

Heureusement, au milieu de ces vingt ans d’attentats, d’enlèvements, de tortures, de combats, Hans Silvester nous a rafraîchi les yeux avec la projection de son reportage sur les peuples de l’Omo. Et JFL a bien raison de dire que Perpignan est « le seul lieu au monde » où l’on peut voir pareilles merveilles sur un écran de vingt cinq mètres de large.

Munem Wasif, 25 ans, depuis avril à l’Agence Vu est le nouvel espoir : Prix de la Ville de Perpignan.

Ouf, disais-je en intro. Oui, ouf, car malgré l’immense plaisir-intérêt qu’il y a à voir tant de photographies, tant de reportages courageux et à voir que le photojournalisme est capable de réunir tant de milliers de personnes, au bout d’une semaine, un curieux sentiment de tristesse m’envahit….

Est-ce, par exemple, parce que le reportage de Marie Dorigny sur les enfants esclaves des multinationales en Inde n’a changé les choses que sur un seul point : « Nike paie maintenant des vigiles pour empêcher les photographes d’approcher » .

Est-ce parce qu’en vingt ans, il manque tant de monde à l’appel ?

Est-ce parce que parmi ces dingues de la photographie, il me manque tout particulièrement mon complice de feu La Compagnie des reporters : Mark Grosset (1957-2006),  ancien directeur de Black Star France, de Rapho et fondateur de la collection Mark Grosset Photographies ?

En 2005, alors que nous étions ensemble à Perpignan, il me disait : « Ce qu’il y a de terrible ici, c’est qu’il manque toujours quelqu’un… Alors, finalement même ceux que nous détestions quand nous étions jeunes, on leur saute maintenant dans les bras ! ». Et l’on fait des interviews, et cite leur livre pourrais je ajouter.

Je ne sais pas encore d’où vient mon sentiment de tristesse. Dans quelques heures, après la dernière séance, on va boire, on va danser, on va chanter… Il faut bien oublier tout ça, l’espace d’une nuit. Et encore, selon l’actualité, l’une ou l’autre prendra peut-être son balluchon pour partir…  Le news n’attend pas.

A la semaine prochaine pour le « débriefing ».

Michel Puech

Paris, le18 sep 2008Dernière révision le 16 décembre 2021 à 1;07 par Rédaction d’a-l-oeil.info