Exposition

L’œil musical de Philippe Gras

(c)Philippe Gras

Les photographes meurent, mais leurs images restent imprimées dans nos mémoires et, parfois, c’est à cette triste occasion que l’on peut les revoir accrochées aux cimaises. Ainsi, on pourra admirer du 2 au 14 septembre 2008 les photographies de Philippe Gras, disparu le 22 février dernier. Rendez-vous à « Jazz à la Villette » !

Ray Charles, Thelonious Monk, Charles Mingus, Albert Ayler, Don Cherry, Ornette Coleman, Michel Portal, Barney Wilen, François Tusques, Jean-François, Beb Guérin, Aldo Romano, Jacques Thollot… La liste est longue des musiciens photographiés par Philippe Gras.

Il était né le 16 avril 1942 à Paris et au milieu des années 60, il hantait les salles de « La Vieille Grille », du « Chat-qui-pêche », de l’American center et de quelques festivals qui débutaient. Au pied des scènes, dans les loges et aux bistrots, il faisait partie d’un petit groupe de jeunes photographes passionnés de musique, passionné de jazz qui comptait Horace, Christian Rose, Jacques Bisceglia, Thierry Trombert et « entre parenthèse » Guy Le Querrec. Un groupe informel de concurrents qui savaient faire front ensemble pour s’imposer dans les salles.

« Des bons souvenirs ? Ah oui… Quand on entrait clandestinement par un soupirail salle Pleyel » raconte Horace. « Une fois Philippe s’est même retrouvé directement sur scène pendant le concert ! »  Une bande de troubadours fauchés, qui vivaient chichement de quelques piges dans les magazines spécialisés comme Jazz Magazine, Actuel, l’Art Vivant ou Jazz Hot , alors dirigé par Michel Le Bris. Evidement les budgets photos sont maigres dans ces publications  et les piges à l’avenant.

Une chose est sûre, ce dernier point n’a pas changé, mais tout le reste a été bouleversé par « les exclusivités », les « services de communication » et la dictature de « la promo ». Mais à leur époque, celle d’avant mai 68, Ils achètent de la bobine de film de cinéma au mètre, pour patiemment la mettre en bobine de 36 vues. Ils courent « les balances », les concerts puis se ruent sur des mobylettes ou dans de vieilles voitures déglinguées dans leurs salles-de-bain-laboratoires, tirent eux même leurs clichés, courent dans les rédactions et comptent leurs pièces avant d’aller enfin « s’en jeter un au bistro

Philippe Gras, photographié en 1967 par son ami Horace.

En mai 68, évidement Philippe Gras et ses copains sont sur les boulevards Saint-Michel et Saint-Germain, comme ils se retrouvent à fréquenter le premier magazine Actuel, celui que racheta Jean-François Bizot  Du Centre Culturel Américain de Paris au Festival Pan Africain d’Alger (1969) en pssant par le fameux Festival Actuel, à Amougies en Belgique, la bande est toujours là pour traquer l’âme des musiciens et la mettre en argentique.

On voit peu, trop peu leurs photographies, la disparition prématurée de Philippe Gras est donc l’occasion de découvrir un talent, et de se mettre en appétit pour en voir encore plus.

« Cette exposition est consacrée à un photographe authentiquement indépendant, discret et  peu soucieux de sa propre promotion. L »œuvre de Philippe Gras témoigne des avancées artistiques du jazz, de la musique contemporaine, du théâtre et de la chorégraphie, et s’étend par ailleurs au cinéma, aux cultures asiatiques, aux imageries populaires. » écrivent Daniel Caux et Daniel Sauvaget dans le texte de présentation de l’exposition.

Le projet doit beaucoup aux initiatives et à l’énergie de Daniel Caux, décédé pendant sa réalisation. L’exposition lui doit beaucoup. Également aux photographes et amis de Philippe Gras, Christian Rose qui a assuré la partie technique et artistique du projet, ainsi qu’Horace. L’Atelier Publimod, France Culture, Jacqueline Caux, Duong Mai, François Nicoullaud, Daniel Sauvaget, Jean-Jacques Schakmundes, Bernard Treton, et toute l’équipe de l’Agence pour le Développement régional du Cinéma ont soutenu cette émouvante et intelligente exposition

Exposition « L’œil musical de Philippe Gras. Les années Free et autres photographies. Festival Jazz à la Villette 221 avenue Jean Jaurès 75019 Paris – Métro: Porte de Pantin du 2 au 14 septembre.

Photographies de cet article:
– Marion Brown photographié en 1970 par Philippe Gras publiée avec l’aimable autorisation de Me Ngoc Suong Gras qui gère les archives.

– Philippe Gras photographié en 1967 par Horace publiée avec son amical autorisation.  Consulter ses 40 ans d’archives sur son site. Voir également ses photographies sur la galerie Photos.Neteyes.fr (dont deux de Philippe Gras)Dernière révision le 3 mars 2024 à 7;19 par Michel Puech