Cinéma

Guy Gilles et le temps désaccordé

Guy Gilles
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Guy Gilles et le temps désaccordé publié 02 Juillet 2008 par Michel Puech in Club Mediapart

Contemporain de Truffaut, de Godard, Guy Gilles était un cinéaste poète passionné, un ange filant, comme on dit des étoiles, hors du temps et surtout de son temps.A la fin des années 60 et dans les années 70 où tout se devait d’être politique, il filmait le temps qui passe, la tendresse, l’ambiguïté et la nostalgie d’un pays perdu : l’Algérie. C’est dire, comme l’indique avec clarté le titre du film que lui consacre Gaël Lépingle, qu’il était « désaccordé ». Et pourtant, cinquante ans après, les films de Guy Gilles continuent à émouvoir un jeune public de fans qui se réunit au gré de trop rares projections.

« Guy Gilles s’est éteint le 3 février 1996 à cinquante-sept ans, au terme d’une vie entièrement consacrée à l’édification d’une oeuvre comptant neuf longs métrages de fiction, plusieurs films documentaires et une quantité très importante de courts métrages, réalisés pour le cinéma et la télévision. C’est peu dire que la méconnaissance et l’oubli ont jusqu’ici été de mise : mal ou pas distribués (L’Amour à la mer), interrompus en cours de tournage (La Tête à ça) ou purement et simplement inachevés (Néfertiti, son dernier film dont il manque toujours trente minutes), ses films se sont faits et défaits au prix d’âpres luttes. Objets poétiques déroutants, inclassables, témoins d’une sensibilité à fleur de peau et d’une écriture cinématographique unique, ils n’ont jamais eu de véritable reconnaissance critique et publique » écrivait Gaël Lépingle pour l’hommage que le festival de La Rochelle avait rendu à Guy Gilles en 2003.

 

Luc Bernard et son frère Guy Gilles
Les deux frères

Contemporain de Truffaut, de Godard, Guy Gilles était un cinéaste poète passionné, un ange filant, comme on dit des étoiles, hors du temps et surtout de son temps. A la fin des années 60 et dans les années 70 où tout se devait d’être politique, il filmait le temps qui passe, la tendresse, l’ambiguïté et la nostalgie d’un pays perdu : l’Algérie. C’est dire, comme l’indique avec clarté le titre du film que lui consacre Gaël Lépingle, qu’il était « désaccordé ». Et pourtant, cinquante ans après, les films de Guy Gilles continuent à émouvoir un jeune public de fans qui se réunit au gré de trop rares projections.

En 57 minutes, Gaël Lépingle fait une véritable œuvre de critique cinématographique en même temps qu’un amoureux hommage à Guy Gilles. Adèle Csech, Mattéo Caranta, Pierre Lazarus, Macha Méril, les interprètes semblent tout droit sortis d’un casting de Guy Gilles qui ne filmait pas la beauté mais cherchait à la mettre en lumière. Pour ceux, qui comme moi, ont un peu – trop peu hélas – fréquenté Guy Gilles, le film de Gaël Lépingle est un flash back terriblement émouvant. C’est aussi un rappel à l’ordre, celui d’aimer sans se soucier de son temps, celui d’assumer ses choix.

Car Gaël Lépingle, tout passionné qu’il soit par cette œuvre, n’oublie pas de rappeler l’âpreté du combat de Guy pour tourner. Il ne cache pas non plus les rigueurs de cette époque que le récent anniversaire de mai 68 n’a pas contribué à mettre à jour. Même dans les années 70, Guy Gilles n’était pour certains « qu’un jeune pédé qui cherche du fric pour tourner »… Comme l’anniversaire de mai 68 a oublié les morts et les estropiés, le monde du cinéma a oublié combien il fut homophobe, macho et aussi raciste.

Le film que présente Gaël Lépingle cette année à La Rochelle est le second qu’il réalise sur Guy Gilles. Il a déjà fait un documentaire « Guy Gilles photographe » (2008 – 20 min) pour le DVD qu’il a largement contribué à faire éditer par les Editions Montparnasse et rassemble les trois premiers longs métrages de Guy Gilles : « L’amour à la mer », « Au pan coupé », « Clair de terre »‘ : ce sont trois de ses plus beaux films, jusqu’ici introuvables en vidéo. Le coffret comprend également un très beau film-hommage de Luc Bernard à son frère Guy Gilles, mêlant habilement photos de famille, extraits de films et témoignages émus de comédiens l’ayant côtoyé, tels Jean-Claude Brialy, Roger Hanin, Guy Bedos ou Juliette Greco.

 

Michel Puech

 

Dernière révision le 3 mars 2024 à 7;19 par Michel Puech